"Ce qui me paraissait important dans ce film n'était pas de faire une oeuvre sur le communisme en Pologne. Je voulais ressentir le communisme comme s'il était sous la peau des personnages."
Extraits - interwiew du réalisateur polonais Tomasz Wasilewski par Mathieu Lericq
"
Il semblerait que la période de transition, en particulier le début
de cette époque, soit relativement peu investie. Cette période
semble hors du temps, une sorte de trou béant dans l’histoire,
n’est-ce pas ?
Oui,
c’est vrai. Il n’y a pas de films qui traitent de cette période
en particulier. Le film montre ma façon de voir la Pologne de 1990.
La pire chose aurait été de reprendre les pensées de quelqu’un
d’autre. J’ai situé le film dans la ville où je suis né,
Toruń. Les gens que je dépeins sont ceux qui m’ont entouré
lorsque j’étais enfant. Mais, bien sûr, il s’agit de ma vision
de ces gens. Je voulais raconter cette histoire, parce qu’elle est
comme une brèche. Pourtant, c’est une période capitale; tout d’un
coup, nous étions libres, mais nous ne savions pas quoi faire avec.
Le communisme était le seul point de repère. Imaginez un animal qui
a vécu toute sa vie dans une cage, et maintenant que la cage est
ouverte l’animal ne sort pas. Pourquoi ? Parce que la cage est sa
maison.
L’impression
rendue par le film est qu’il y a une frontière entre la réalité
féminine, et une réalité que nous ne faisons qu’apercevoir, la
réalité masculine. Voyez-vous les choses à partir de cette
frontière ?
La
réalité de cette période était très différente de celle que
nous vivons aujourd’hui. La société était plus divisée. Même
s’ils pouvaient apparaître comme plus proches, à cause du
communisme, la ligne qui séparait les hommes des femmes était
criante. D’ailleurs, lorsqu’on regarde les figures féminines
dépeintes à cette époque, elles étaient principalement vues soit
comme des prostituées, soit comme des mères."
"Je
n’ai aucune distance ni par rapport au film, ni par rapport aux
personnages. Jamais. Je suis en permanence avec eux. Je suis en eux,
d’une certaine façon. Si j’instaurais une distance, ce serait
comme une séparation. Mais sur le tournage, je les laisse être
comme ils sont. Je n’interviens pas. Même si j’aime mes
personnages, je ne les aide pas, je refuse de les prendre dans mes
bras. Et je ne fais rien pour que les spectateurs les apprécient.
Dans le monde réel, quelquefois nous agissons mal ou bien; je veux
rendre la même chose en filmant mes personnages. Ils ne sont pas de
mauvais personnages, mais parfois ils font des choses mauvaises.
C’est fascinant."