La Mongolie, voilà une contrée qui a tout pour stimuler l'imagination! Plus vaste étendue enclavée au monde, elle semble inaccessible, alors qu'une correspondance à Moscou et deux vols avec Aeroflot y suffisent...
On songe à Gengis Khan, qui composa en quelques décennies, à coups de grandes cavalcades et quelques coups de mousqueton - à une époque où les européens ignoraient encore jusqu'à l'existence de la poudre, le plus vaste empire que la terre eût jamais porté : de la péninsule coréenne jusqu'aux portes de Vienne... A Cracovie ne sonne-t-on pas chaque heure, depuis le clocher de la cathédrale, pour alerter de l'arrivée des Mongols, sonnerie interrompue comme le chant d'un coq qu'on égorge par la flèche hardie qui vint transpercer le gosier du sonneur?
Et pourtant, de l'ancien Empire, ne subsistent que ces vastes steppes à peine peuplées de 3 millions d'habitants. Une démocratie coincée entre la Russie, qui y fut comme chez elle de 1921 à 1991, et la Chine, sur laquelle régnèrent longtemps les Mongols mais aujourd'hui si entreprenante...
Je dois être à peu près l'un des seuls touristes à avoir survolé l'immensité Russe jusqu'à Oulan Bator non pour retrouver mon moi profond à l'abri d'une Yourte ou au fil d'un trek enneigé, mais juste pour voir ce que 70 ans d'expérience soviétique avaient laissé comme traces dans la capitale.
Tous les guides sont unanimes : aucune raison de demeurer à "Ulaanbaatar" plus de temps qu'il n'en faut pour y trouver le guide qui vous ouvrira les steppes immaculées. La ville, qui subit une pression démographique phénoménale à l'échelle de ce pays, le moins densément peuplé du monde, et voit débarquer chaque année des dizaine de milliers d'ex-nomades, ne vaudrait pas un kopeck : laide, polluée, voire un rien interlope si l'on en croit les romans policiers à succès mettant en scène Yeruldelgger, le héros de Ian Manook... Insensibilité au style stalinien dans sa version centre-asiatique, dirais-je plutôt, tant le syncrétisme architectural de cette agglomération trépidante est passionnant.
Le long de l'interminable Avenue de la Paix - Perspektiva Miru, pour la version des anciens occupants, oh pardon "conseillers soviétiques", dont l'immense antre trône encore face à l'Ambassade de France, les édifices du début des années 1950 ont plutôt bien tenu face aux hivers de la capitale la plus froide du globe... Flanqués des vérandas d'une flopée de restaurants coréens qui en cassent la rectitude stalinienne, ils arborent leurs motifs soviétiques, des stucs vernaculaires aux faux airs de mandalas.
La puissance de tutelle y a été moins prodigue qu'ailleurs en clubs ouvriers et équipements culturels. Aucun manifeste constructiviste - et pourtant, les Soviets prirent pied en Mongolie dès la guerre civile, au début des années 1920, et seulement une poignée d'édifices modernistes à usage collectif, dont le plus emblématique est sans doute le musée d'archéologie national.
La tradition et la modernité y ont aussi leur place, moins bien définie... A quelques pas de l'Avenue de la Paix, une colline surmontée d'un vaste temple bouddhiste où les habitants se pressent pour se promener le dimanche, abrite aussi un quartier de yourtes et d'Isbas. Et au loin, vers les montagnes qui enserrent la ville, les yourtes sont disposées comme dans la steppe, en véritables camps. Ça et là, des temples du XVIIIe et XIXe siècle, vidés de leurs moines lors des purges de 1937 - synchrones avec celles de la mère patrie, l'URSS - dressent leurs toits de tuiles traditionnels entre les carcarsses de béton laissées par le premier boom immobilier connu par Ulaanbaatar, en 2008-2010, qui au gré d'une crise mondiale, se révèla pour l'instant le dernier...
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