vendredi 30 janvier 2015

Musée des néons de Varsovie - Les lumières de la ville...


L'une des raisons pour lesquelles on aime tant les mugs de Mamsam, c'est parce qu'ils puisent leur inspiration dans les polices et les logos des nombreux néons de Varsovie. Dans la capitale polonaise, ces enseignes lumineuses pour la plupart réalisées dans les années 60/70 remplissent bien plus que la fonction publicitaire qui est la leur ailleurs dans le monde : oeuvres de graphistes et d'architectes, elles sont un vrai manifeste visuel!






Retour vers le milieu des années 1960 : la Pologne n'a alors rien d'un paradis du consumérisme et Varsovie, pas grand chose d'une métropole trépidante. Marqué par la guerre et une reconstruction menée avec peu de moyens et dans le style du réalisme socialiste, son paysage est même assez lugubre…

Mais ces années sont celles de l'ouverture (modeste) du pays aux capitaux de l'Ouest, supposés lui permettre de se moderniser et d'accéder à un minimum de confort. Avec ces capitaux, arrivent les premiers produits occidentaux, et Varsovie s'efforce de donner le change, avec la réalisation de chantiers emblématiques (Grands magasins, rotonde PKO, Gare centrale de Varsovie…)

C'est là qu'interviennent les graphistes et designers qui en choisissant le néon comme mode d'expression, vont contribuer à définir une esthétique « nationale » qui va mettre en avant le potentiel graphique des lettres polonaises et apporter un peu de fantaisie à l'environnement urbain. La campagne de néonisation va permettre de redonner de la vie à la ville et aux habitants, de se réapproprier Varsovie.






Beaux et imposants (souvent plusieurs mètres de long), ces néons visent surtout à informer et à mettre en avant la production locale, tout en "éduquant" le consommateur, pour qui shopping rime alors surtout avec pénurie. Ce sont surtout des produits génériques (sans marque) qui bénéficient de ces enseignes.

Grâce aux efforts menés depuis 2005 par deux passionnés, David Hill et Ilona Karwinska, les néons ont trouvé leur arche de Noé dans le musée qui leur est désormais consacré. Il rassemble des exemples caractéristiques de cette volonté, souvent sauvés in extremis lorsqu'au cours des années 1990-2000, les panneaux d'affichage publicitaire remplacent provisoirement les néons, que déferle une vague de produits nouveaux et que se transforment radicalement les modes de consommation.






Parmi ces exemplaires qui n'auraient pu être que des reliques, je craque pour le néon Kino Praha... Offert par les voisins Tchécoslovaques et construit entre 1948-1950 dans le quartier de Praga, ce cinéma a depuis été remplacé par le Nove Kino Praha. De l'ancien, ne reste que cette enseigne.

Le succès du lieu a permis à Varsovie de redécouvrir leur importance pour l'identité de la ville. Depuis quelques années, la municipalité encourage vigoureusement leur conservation et mieux : elle invite les grandes enseignes globales - y compris celles de l'univers du luxe - à traduire leurs enseignes habituelles en "langage néon". Ainsi, pour leurs magasins emblèmes, de nombreuses marques internationales font appel aux spécialistes locaux du néon qui après les années de vaches maigres, croulent de nouveau sous les commandes!






Crédit photos // SLAVIA VINTAGE 


vendredi 16 janvier 2015

Miluccia et Slavia Vintage


L'arrivée des mugs Mamsam sur Slavia Vintage, nous a donné l'opportunité d'une collaboration avec le blog Miluccia dont on aime depuis si longtemps le mix and match fait de mobilier Mid-century, d'intérieurs inspirants (de Rio à Berlin!) et de créations contemporaines. 

Nous y avons découvert VintagencySecret berbèreDesignerBox… Alors, nous sommes ravis de retrouver nos mugs en porcelaine interprétés par Céline Giusti : une composition picturale qui met en avant tout leur potentiel graphique!






Si vous voulez en savoir un peu plus sur cette icône du design polonais, cliquez ici


Crédit photos  Miluccia / Mamsam 

lundi 12 janvier 2015

Porigami et Slavia Vintage




Depuis fin décembre, vous pouvez retrouver sur Slavia Vintage  différentes cartes en papier découpé, réalisées par Tereza Hradilkova. 

Voici un peu plus sur l'univers de sa créatrice et du lien qu'elle a créé entre l'Asie et l'Europe centrale grâce à sa série sur Prague.  Architecte de formation et familiarisée à la réalisation de maquettes en papier, Tereza a longtemps vécu et travaillé à Tokyo et Honk Kong.






PETRIN  






Pendant cette période,  elle s'intéresse de près à la tradition japonaise du découpage de papier et au travail de Masahiro Chatani et voulant écrire à ses proches, réalise quelque cartes à la main. Des petites maquettes assemblées méticuleusement, qui vont conduire Tereza à la réalisation de dix premiers prototypes… L'aventure Porigami est lancée! (un nom à la sonorité japonaise qui est né de la conjonction de Pori = le petit nom de sa créatrice et Gami = qui signifie papier en japonais), fruit de ses dessins retravaillés digitalement, découpés au laser et estampillés à la main. 

Ses premières réalisations sont inspirées de la "skyline" de Honk Kong et des bâtiments qu'elle admire pendant son long séjour en Asie tels que le Western Market ou les échafaudages en bambou qui surgissent un peu partout dans la ville… Tokyo suivra, avec 
 toute une série de maquettes, très largement diffusées au Japon. Puis ce sera le tour de Prague, sa ville natale.









C'est là, que j'ai découvert son travail et était conquise par son interprétation de la Maison cubiste de Josef Gočár ou de la tour de télévision de Žižkov… Des bâtiments    emblématiques que je suis heureuse d'avoir sous les yeux, posés sur mon bureau. 

Ces cartes me font d'ailleurs penser à la tradition polonaise du découpage du papier, si bien illustrée pendant l'exposition universelle de Shanghai (2010) par le pavillon de  Wojciech Kakowski, Natalia Paszkowska et Marcin MostafaLes ponts entre l'Asie et l'Europe Centrale sont plus nombreux qu'on ne le croit!








Road trip en Slovénie (VIII) : la Ljubljana de Jože Plečnik

Du marbre, des colonnades au style antique, du granite, des éléments de l'architecture classique grecque Peu de villes sont aussi marquées par le travail d'un seul homme. 

A Ljubljana l'architecte Joze Plecnik, élève de Otto Wagner, transformera pendant trois décennies l'ancienne ville de province, en capitale de la nation slovène, construisant des nouveaux édifices et rénovant façades, parcs et ponts pour rehausser la grandeur de l'ensemble et donner un sentiment de confiance à ses habitants. Voici quelques photos  de notre visite de la monumentale Bibliothèque Nationale et Universitaire. Le silence s'impose...

















Crédit photos // SLAVIA VINTAGE


lundi 5 janvier 2015

Bohumil Hrabal et le futurisme (II)


On considère que la plupart des œuvres associées au futurisme, ce mouvement littéraire et artistique né en Italie au début du XXème siècle de la fascination pour le bruit, le mouvement et la vitesse, propres à l’ère industrielle, ont été créées entre 1910 et 1915. 

Né en 1914, Bohumil Hrabal en est peut-être l’œuvre vivante la plus achevée. Comme les Futuristes, lui qui grandit dans une fabrique de bière, était fasciné par les machines et le mouvement syncopé de la modernité. 

Dans son roman La Chevelure Sacrifiée – mon préféré -, la métaphore de l’ère moderne qui s’annonce tient dans la chevelure de sa mère et tout ce qui s’y rapporte : la mallette que son père, Francin, ramène de Prague sur sa moto « de marque Orion » et qui contient divers tubes de verre qui se remplissent d’une lumière bleutée en actionnant un interrupteur, dont l’un, en forme de brosse, lui permet de parcourir d’éclairs violets la longue chevelure de sa femme bien-aimée ; les ondes courtes de la radio qui soudain trône dans le salon, et annonce le raccourcissement des distances ; le rythme syncopé du jazz qui triomphe à Prague, invitant du même coup les femmes à libérer leurs jambes dans des jupes courtes et à raccourcir leurs cheveux à la garçonne.




Collage de Karel Teige


Ainsi Maryska, qui aime son mari mais n’a pas froid aux yeux, sacrifie-t-elle sa chevelure sur l’autel de la modernité, signant même une décharge en bonne et due forme au coiffeur qui craint le sacrilège. Et le doux Francin, de retour sur sa moto, privé de la compensation de cette chevelure abondante face aux tracas que lui imposent les actionnaires de la Brasserie dont il a la charge, de voir rouge...






Cette fascination, on la retrouve dans d’autres nouvelles de Hrabal : Jarmilka, qui évoque une cantinière des aciéries de Poldi, près de Prague, où le régime communiste entend forger le nouvel « Homo Sovieticus ». Hrabal, qui a travaillé à Poldi comme simple ouvrier au début des années 1950, alors qu’il avait entrepris des études de Droit, fait même de l’usine un personnage à part entière dans La Belle Poldi. S’inspirant de l’art mécanique des Futuristes, il rédige également La Mort de Monsieur Baltisberger, qui conte une journée de course motocycliste sur le circuit de Brno :

« Maman se tient à un petit bouleau et se penche pour voir les coureurs entrer dans les virages. Son cœur bat lorsque le foulard rouge sillonne l’air comme une flèche (…) Quelque part dans les feuillages, la radio annonce : ‘on nous annonce que Baltisberger est passé le premier à une vitesse infernale et qu’il est talonné par Kanner, également sur une NSU Sport-Max, et ensuite par le sympathique Australien Brown, avec un kangourou sur son casque ! En terrain plat, les coureurs atteignent le deux cents à l’heure’ (…). Il ne manquait plus que ça, soupire l’homme en chaise roulante, et lorsque le peloton approche, il a d’abord peur de regarder, mais il ne peut pas s’en empêcher. Il fait corps avec les machines qui filent et lorsqu’elles ont disparu derrière le bois, il a l’impression qu’il ne les reverra plus jamais ».

"La Mort de Monsieur Baltisberger " Bohumil Hrabal, Les palabreurs, Paris : Le Livre de Poche, 1991, p. 191-211





La nouvelle la plus symbolique de cette fascination pour les thèmes du Futurisme, est sans doute Automat Svět – littéralement L’Automate Monde -, ainsi baptisée en référence à un bâtiment fonctionnaliste édifié en 1932 dans le quartier pragois de Bohumil Hrabal, Libeň. « Monde » (Svět) était en réalité le nom du promoteur propriétaire des lieux, qui hébergeaient un cinéma du même nom et un buffet self-service, concept alors inconnu en Europe. 

Comme souvent dans les écrits de Hrabal, les lieux et les machines y acquièrent un caractère presque anthropomorphique, que l’on retrouve dans Trains étroitement surveillés et dans Une Trop Bruyante Solitude, où le héros, Franta, se confronte chaque jour au pilon qui broie les ouvrages interdits par le régime et au cruel dilemme quotidien qui consiste à ne sauver de ce moderne autodafé que quelques ouvrages précieux… 


Lorsque je parcoure Prague ou la Moravie, je me laisse souvent guider par ces nouvelles. Au pied du Monde Automat, qui dresse toujours sa carcasse abandonnée à un carrefour des faubourgs de Prague, attendant un hypothétique sauvetage par son propriétaire Italien hypocondriaque et velléitaire – lui-même digne d’une nouvelle –, dans les tavernes de la Vieille-ville où trônent encore les portraits du Maître, comme sur les bords du circuit de Brno, où j’assiste aux courses de motos du mois d’août.

Il y a quelques années, mon Francin à moi m’avait ramené sur sa moto – de marque Triumph -, ce même objet avec lequel le héros de la chevelure sacrifié parcoure la chevelure de sa femme. Craignant l’électrocution avec cet appareil en vogue dans les années 1930, nous nous sommes contentés d’observer dans l’obscurité, la couleur bleutée de l’arc électrique dans les tubes de verre.


  Photo de Jaromir Funke



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Bohumil Hrabal (I) : l'arc en ciel entre l'Europe Centrale et l'Amérique Latine


2014 fut l’année du centenaire de la naissance à Brno, dans l’Empire Austro-Hongrois, de l’écrivain tchèque Bohumil Hrabal, le plus traduit parmi ses compatriotes avec Jaroslav Hašek, l’auteur des Aventures du brave soldat Chveïk et Milan Kundera, entré dans la Pleïade de son vivant pour des écrits dans leur majorité rédigés en Français. 

Sans doute le moins célèbre des trois, Bohumil Hrabal est celui qui m’est le plus cher, parce qu’il fut mon premier contact avec la culture centre-européenne. Comme beaucoup d'adolescentes, mon auteur de chevet était Gabriel Garcia Marquez, j'aimais ses romans nimbés de magie et marqués par les destinées familiales, tout comme ceux d'Isabel Allende. Seulement voilà, Garcia Marquez, tout comme Julio Cortázar ou Carlos Fuentes, s’est rendu en Tchécoslovaquie. 


A l’occasion de leur séjour commun à Prague après l’invasion soviétique, en 1968, ils tissèrent des liens avec Milan Kundera, lui aussi natif de Brno. Lorsqu’au début des années 1980, celui-ci parvint à gagner la France, Carlos Fuentes officiait à Paris comme Ambassadeur du Mexique et Kundera, qui avait trouvé refuge à Rennes, se logeait chez lui à Paris. A cette occasion, les deux auteurs, que semblaient opposer leurs cultures et leur expérience de l’histoire, entreprirent un dialogue étonnant. 




Rapidement, Kundera se rendit compte de la proximité entre son « Europe Centrale et l’Amérique Latine : deux morceaux d’Occident situés aux extrêmes opposés ; deux terres oubliées, méprisées et abandonnées, deux territoires parias ; et les deux parties du monde les plus profondément marquées par l’expérience traumatisante du Baroque.

"Traumatisante, parce que le Baroque parvint à l’Amérique latine comme Art des Conquistadors, et à mon pays comme celui de la Contre-réforme, ce qui fit dire de Prague à Max Brod qu’elle était la cité du mal.Il s’agissait de deux parties du monde reliées par la mystérieuse alliance du mal et de la beauté. Nous discutions, et je voyais se tendre un pont argenté, éthéré, fragile mais rutilant par-dessus le siècle, comme un arc-en-ciel entre ma petite Europe centrale et l’immense Amérique latine ; un pont qui unissait les statues extatiques de Matyaš Braun à Prague et les églises défraîchies de Mexico ». *


*Milan Kundera pour le journal argentin La Nación, 2001, ma traduction depuis l’espagnol.





C’est sur cet arc-en-ciel que je voyage, entre ma culture ibéro-américaine, toute de magie et de drames, et les mystères de l’Europe centrale. Et Bohumil Hrabal fut mon premier guide. Lui qui dans son œuvre la plus connue, Moi qui aie servi le Roi d’Angleterre, imagine le voyage rocambolesque d’une délégation Bolivienne venue faire bénir par l’Archevêque une statue de l’Enfant Jésus de Prague, révéré dans toute l’Amérique Latine… et qui manque de repartir avec un faux. 

Lui, aussi, qui à l’occasion d’une cérémonie parisienne, se voit rendre un hommage paradoxal par son presque homonyme – prononciation aidant, Fernando Arrabal, curieux de rencontrer ce forban, ce personnage de petite taille, comme lui-même, aux mêmes yeux perçants qui lui a « volé l’esprit de Kafka », et jusqu’à son « propre nom » !





Illustration  : "La chevelure sacrifiée"


Ce « pont argenté » entre culture ibéro-américaine et Europe Centrale, tissé du même rapport à l’absurde, mille exemples en attestent l’existence : ainsi, l’année où disparut Bohumil Hrabal, en 1997, un ami accompagnait Fernando Arrabal dans les rues de Prague. 

Chargé de remettre une lettre au Président Havel de la part de Milan Kundera, celui-ci la gardait dans la poche de son pardessus, attendant simplement que « l’occasion se présente ». Après avoir fait le pied de grue devant une taverne du centre où Hrabal avait ses habitudes, l’invité homonyme se rendit à l’Ambassade de France à bord d’une voiture diplomatique. Soudain, le chauffeur lui glissa que la voiture qui venait de les dépasser était celle du Président. Arrabal donna l’instruction d’arrêter le véhicule présidentiel, au risque de l’incident diplomatique. Après une queue de poisson aventureuse, la voiture pila et deux gardes du corps en sortirent, ajustant leurs fusils mitrailleurs en direction des coupeurs de route. Arrabal rempocha sa missive et se réinstallant paisiblement, décréta : « ça n’était pas lui ».



Illustrations de l'artiste April Deacon


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