jeudi 10 septembre 2015

Cap moderne - La Villa E1027 d'Eileen Gray

E pour Eileen, 10 du J de Jean, 2 du B de Badovici, 7 du G de Gray… après l'exposition permanente qui lui est consacrée à Dublin, et la rétrospective au Centre Pompidou, nous avons de nouveau mis nos pas dans ceux d'Eileen Gray. 

Ayant vu l'avancée des travaux de restauration de la Villa E1027 lors d'une visite au Cabanon de Le Corbusier, quelques mètres plus haut, nous espérions être parmi les premiers chanceux à découvrir cette villa aux allures de yacht 1920s, qui se dresse sur ses pilotis de béton au-dessus de la plage de Roquebrune-Cap Martin.









Voici donc quelques photos de ce manifeste du style "international", qui conformément à la commande de Jean Badovici à sa compagne d'alors - "une maison pour un homme aimant le travail, les sports et recevoir des amis", n'oublie pas sa fonction première, celle d'un lieu de villégiature, avec ses stores, ses bâches en toile de voile, son code couleur bleu et blanc et son solarium.

Eileen Gray s'implique avec passion dans ce qui restera l'une de ses deux seules réalisations architecturales, conduisant les travaux, créant un mobilier spécifique modulable et inventif et parsemant la villa d'inscriptions pratiques et humoristiques à destination des amis et visiteurs : "L'Invitation au voyage", "Entrez lentement", "Défense de rire", "Sens interdit", "Chapeaux", "Oreillers", "Pyjamas" ou même "Dents" au-dessus du lavabo de la salle de bain… 










Elle ne profitera malheureusement guère des lieux, suite à sa séparation d'avec Badovici, quelques années plus tard et souffrira du destin de "sa" villa. 

Blessure d'orgueil légitime, d'abord, lorsque Badovici et Le Corbusier s'accaparent le lieu au propre (Le Corbusier, qui avait pourtant rendu hommage "à l'esprit rare qui se dégage de l'organisation intérieure et extérieure de la maison" profanant l'unité de contrastes voulue par Gray avec ses fresques colorées) comme au figuré (lorsque la villa est créditée à Badovici à l'occasion d'une rétrospective d'architecture moderne après guerre). 

Tristesse, aussi, lorsque la villa est occupée par la Wehrmacht, puis laissée en déshérence suite à la mort de Badovici.









Tandis que la riviera se bétonne inexorablement, la maison, rachetée par une riche helvète sur l'intervention de son compatriote Le Corbusier, tombe dans l'anonymat d'une résidence ordinaire. 

Elle ne retrouvera la lumière que dans le crépitement des flashs autour de deux drames : la mort par noyade de Le Corbusier, retrouvé au pied de la villa un jour de l'été 1965 et l'assassinat du médecin Heinz Peter Kägi en 1996. Héroïnomane, celui-ci avait été soupçonné par lés héritiers de la propriétaire suisse, décédée au début des années 1980, d'avoir quelque peu hâté sa mort et rédigé un acte de vente aprocryphe lui occtroyant la "villa du bord de mer", ainsi qu'aimait à l'appeler Eileen Gray. 

Avec un tel passé, pas étonnant que l'on songe aux enquêtes d'Hercule Poirot, en observant Monte-Carlo depuis le balcon du salon...






Crédit photos // SLAVIA VINTAGE

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