mardi 24 juillet 2012

La Villa Noailles: un paquebot au-dessus de la mer



Fin avril, la vie culturelle parisienne se tourne vers le sud et anticipe sa retraite estivale à Hyères, à l'occasion du Festival de La Mode. Le temps d'un week-end, des jeunes créateurs et photographes présentent leur travail aux professionnels et la Villa Noailles devient un lieu de découvertes et de rencontres.

Pour moi, c'est l'occasion chaque saison, de retrouver la mythique Villa en pleine effervescence créative. C'est alors qu'elle rayonne: lorsqu'on peut ressentir de couloir en couloir l'impulsion recherchée par ses fondateurs, le couple de mécènes avisés, Charles et Marie-Laure de Noailles.


Héritiers de familles aristocrates aisées, ayant traditionnellement une sensibilité pour les arts, ils se marient en 1923 et reçoivent en cadeau de mariage un terrain dans les hauteurs de Hyères. Ils décident d'y bâtir une maison de villégiature ultra-moderne, ouverte à la mer et au soleil. Conçue pour accueillir des amis, artistes la plupart, le temps des vacances, ils veulent qu'elle soit fonctionnelle et lumineuse.






Sensibles à l'avant-garde, ils font appel à l'architecte Mallet-Stevens pour la construire et s'impliquent activement dans le projet en validant chaque étape et en donnant des directives tranchées (luminosité, simplicité, praticité, absence de superflu).

«J'ai envie de bâtir une maison extrêmement moderne mais par moderne j'entends employer tous les moyens modernes pour arriver au maximum de rendement de commodité. Je ne compte pas sacrifier un pouce de fenêtre tant pour obtenir une façade Louis XVI que pour obtenir une façade moderne intéressante».
Charles de Noailles cité in : Collectif : Robert Mallet-Stevens : L' œuvre complète, Paris : Centre Pompidou, 2005.

Cette maison se veut sobre mais néanmoins audacieuse et élégante. Le couple prend son temps pour meubler chaque pièce se tournant vers les artistes les plus originaux de l'époque: un tapis d'Eileen Gray pour la chambre de Marie-Laure, une table de Jeu de Charlotte Perriand, des tissus de Sonia Delaunay...

Ils conçoivent la Villa comme un lieu de rencontres et de loisir, un refuge après les bouleversements et les traumatismes de la Grande Guerre. On coupe court avec le passé et le couple s'entoure d'amis, expérimente une vie libre, insouciante et créative.

Danse, musique et fêtes! La Riviera est proche... Les années sont folles...On organise des bals à thèmes où se mêlent, dans les chaudes soirées d' été, l'élite de l'époque, les surréalistes...








Pour découvrir le bâtiment, il faut prendre son élan et remonter la colline, sous le soleil écrasant qui surplombe Hyères. Au fur à mesure qu'on déambule dans cette villa aux allures de paquebot, on prend conscience de sa modernité intemporelle. 

La lumière nous accompagne derrière les immenses verrières et de terrasses en terrasses. On y aime le sentiment d'espace. Les chambres sont épurées et fonctionnelles avec leurs horloges murales, leurs baies vitrées qui s'escamotent... On y admire tout autant le volume que les poignées de portes à la forme cubiste, le jeu des plafonds de verre, l'enchaînement surprenant des couleurs pastels et des motifs modernistes …













Après la tuberculose, les blessures et les déformations de la guerre, surgit dans les années 20 un souci d'hygiène et la nécessité de vivre une vie saine. Les Noailles succombent à cette aspiration «moderne» et pour épanouir et maîtriser leurs corps et ceux de leurs hôtes, ils intègrent une salle de gymnastique dans la villa et une imposante piscine couverte.

Auraient-ils pu deviner qu'un jour celle-ci serait le reflet de la créativité du designer Yohji Yamamoto (président du jury cette saison) en étant submergée non pas d'eau mais de ses créations?








Ici et là l'exposition permanente, nous rappelle comment Charles et Marie de Noailles aimaient collaborer, soutenir et recevoir des artistes : Man Ray, Breton, Buñuel, Cocteau, Dali, Picasso...
Dans ce laboratoire de création, le sens de l'accueil et la décontraction étaient primordiaux.

On retrouve ces exigences encore aujourd'hui, lorsqu'au cours du Festival, on peut partager librement nos impressions avec les photographes, admirer et toucher - avec délicatesse - les créations des designers, assister aux défilés qui surgissent de façon impromptue au fond d'une cour...

Tout cela dans une atmosphère de farniente: en pique-niquant sur le gazon, en se rafraîchissant sur la presqu'île après un petit somme sur une des chaises longues aux motifs tropicaux de la cour principale... Toute une expérience!










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Crédit photos // SLAVIA VINTAGE

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